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La fin du pétrole bon marché

La fin de l'ère du pétrole bon marché va entraîner la fin du monde tel que nous le connaissons. Cette révolution devrait avoir lieu avant 2015, ce qui nous laisse très peu de temps pour éviter le chaos. Un homo sapiens averti en vaut deux, explications.

petrole

Le problème

Toute notre société mondialisée repose sur un seul pilier : la disponibilité du pétrole bon marché. Le pétrole est omniprésent : l'essence et le diesel pour les véhicules et l'industrie, le kérozène pour les avions, le mazout pour le chauffage, les matières plastiques et les nombreux autres produits issus de la pétrochimie (engrais utilisés en agriculture conventionnelle, médicaments, cosmétiques, textiles synthétiques, huiles, bitume, etc.).

On croit à tort que le problème de notre dépendance au pétrole émergera dans environ 35 ans, soit en 2040 environ, lorsque les réserves de pétrole s'épuiseront. Cette assertion est fausse parce que le véritable problème n'est pas la quantité de pétrole disponible, mais son prix. Si le prix du pétrole augmente trop, notre système s'effondre : hausse du prix des transports routier et aérien, baisse du trafic, baisse du tourisme, diminution des échanges internationaux, faillites en chaîne, chômage croissant, récession durable et crise économique sans précédent.

Or on sait que le prix du pétrole ne peut que monter désormais, voici pourquoi.

oiseau
Affiche de CarFree France

Le pic de Hubbbert

Le pétrole est une ressource fossile non renouvelable qui a mis environ 200 millions d'années pour se former. On le trouve prisonnier (et mélangé à du gaz) dans les pores de la roche sous des couches imperméables du sol (argile, sel).

Lorsque l'on fait un forage dans un nouveau gisement, le gaz sous pression fait remonter le pétrole en surface. La pression dans le gisement diminue peu à peu. Il faut donc pomper de plus en plus fort pour obtenir de moins en moins d'or noir. Les coûts d'extraction augmentent et le rendement baisse.

En 1956, King Hubbert, alors géologue chez Shell, publie un article dans lequel il résume cette situation par une courbe en forme de cloche :

pic de Hubbert
Pic de Hubbert

(1) Peu après la découverte d'un gisement, la production s'accroît et les coûts diminuent (phase de supplétion)

(2) Lorsque la moitié du gisement est épuisée, la production diminue de plus en plus vite et les coûts augmentent (phase de déplétion)

(3) La phase intermédiaire s'appelle pic de Hubbert (peak oil en anglais).

L'arrivée du pic peut être estimée pour un gisement donné, pour un pays ou pour l'ensemble des réserves mondiales.

Le pic mondial devrait être atteint bientôt : entre 2007 et 2015 selon les estimations. Au-delà, la production de pétrole diminuera inexorablement de 2 à 3% par an, alors que la demande continuera de monter (forte demande de la Chine et de l'Inde en plus de l'UE et des USA). Le prix du brut va donc grimper. Il pourrait doubler tous les 3 ans selon des estimations optimistes (le prix du baril a déjà doublé entre 2002 et 2005).

Prévisions 2010-2020

La hausse constante du prix du pétrole représente un choc sans précédent pour notre société.

En effet, la hausse du cours du brut entraîne une hausse diecte des coûts du transport routier, maritime et aérien, du chauffage (mazout), des matières issues du pétrole (engrais pour l'agriculture intensive, matières plastiques, cosmétiques, huiles, etc.). Ces coûts sont répercutés sur le prix des biens et des services : billets d'avion, tourisme, produits importés, emballages plastiques, loyers... Tous les prix augmentent donc, mais pas les salaires puisqu'il n'y a pas eu d'augmentation de la productivité. Le pouvoir d'achat diminue, la consommation diminue aussi et l'économie entre en phase de récession durable. De nombreuses entreprises font faillite, puis licencient des milliers d'employés. L'assurance chômage explose...

Sachant que ce scénario risque fort de se produire à court terme, nous avons plus que deux solutions : amorcer immédiatement un sevrage du pétrole ou se préparer au chaos (guerres, pillages).

Les Etats Unis ont été confrontés à ce problème dans une moindre mesure il y a une quinzaine d'années, et il leur a fallu deux guerres du Golfe pour étancher leur soif de pétrole. Personne n'a pu les retenir, pas même l'ONU. La Russie, la Chine, l'Inde et l'Iran sont en train de s'allier pour contrer les USA. La situation pourrait s'envenimer au moindre incident. Une guerre mondiale entre ces super-puissances aurait des conséquences sans précédent (armes conventonnelles, biologiques, nucléaires, chimiques).


Source : antivoitures.free.fr

Les solutions

Il est trop tard pour chercher une alternative au pétrole. Les biocarburants exigent des surfaces énormes dont nous avons besoin pour assurer notre alimentation. Le gaz s'épuise lui aussi (pic mondial vers 2020) et son prix suivra celui du pétrole. Il faudrait près de 4000 centrales nucléaires pour remplacer le pétrole, au lieu de 440 centrales aujourd'hui dans le monde. Aucun pays ne peut financer un tel investissement, les voitures ne sont pas électriques, et les risques seraient trop grands. Les énergies renouvelables représentent à peine 14% de la production et sont limitées par les conditions naturelles (présence d'eau pour les barrages, vent pour les éoliennes, soleil pour le solaire).

La seule issue consiste donc à amorcer la décroissance pétrolière. Cette fois ce ne sont pas des altermondialistes chevelus qui le disent : même l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) le dit dans son livre paru en avril 2005 intitulé Saving Oil in a Hurry (économiser le pétrole dans l'urgence): ... the IEA urges all countries to pursue strategies for reducing oil use over the medium and long term... (L'AIE conseille vivement à tous les pays de rechercher des stratégies afin de réduire la consommation de pétrole à moyen et long terme).

L'AIE préconsise certaines mesures d'urgence en cas de crise pétrolière :

oil savings
Pourcentage de réduction de la consommation de pétrole pour chaque mesure.

Mais on peut encore éviter la catastrophe en prenant des mesures individuelles, régionales et nationales.

Voici quelques mesures individuelles :

  • s'informer sur les moyens pour réduire sa consommation d'énergie (ce site s'enrichira dans ce sens) ;
  • mesurer votre empreinte écologique et la réduire au maximum, idem pour vos émissions de CO2 ;
  • rechercher un travail près de chez vous, où vous pourrez vous rendre à pied ou en vélo ;
  • aller faire vos courses dans un commerce de proximité qui propose des produits locaux ;
  • essayer le covoiturage et le car sharing Mobility ;
  • utiliser les transports publics chaque fois que c'est possible ;
  • adhérer à une association pour le maintien d'une agriculture de proximité (AMAP) ;
  • cultiver un jardin à la place de votre pelouse, des arbres fruitiers à la place des haies de thuyas ;
  • mangez BIO, local, de saison, cru autant que possible, le plus végétarien possible ;
  • isoler votre maison ou opter pour une maison Minergie .
  • adhérer à un réseau d'échanges sans argent local comme les SEL (France) ou TrocActif (Suisse). Ces réseaux d'échanges locaux permettent de satisfaire nos besoins fondamentaux (maintien de la vie, sécurité, appartenance, estime de soi, réalisation) avec un minimum de ressources (matière et énergie). il s'agit certainement du meilleur exemple de dématérialisation de l'économie.
  • Pour les communes : tenir compte de cette évolution dans l'aménagement du territoire (inutile de prévoir la construction d'un parking couvert pour voitures supplémentaire, une gare à vélo couverte avec service de surveillance et de réparation serait plus réaliste). Il y a en Suisse près de 3.5 millions de vélos qui pourraient être utilisés si les infrastructures s'y prêtaient mieux.
  • etc.

Les communes suisses sont très bien desservies par les transports publics et on peut facilement se déplacer à vélo ou à pied presque partout.

Voici quelques mesures régionales :

  • informer les citoyens du changement brutal qui nous attend. Il ne s'agit pas de faire peur, mais de redéfinir les priorités.
  • viser l'autosuffisance locale ;
  • décentraliser les pouvoirs (fédéralisme) ;
  • relocalisation économique et protectionnisme ; (à contre-sens d'une adhésion à l'UE)
  • envisager une planification concertée et un rationnement éventuel ;

Les cantons suisses ne sont pas très loin de ce modèle. Il manque juste une prise de conscience et la définition d'objectifs ambitieux.

Voici quelques mesures nationales :

  • établir une politique énergétique cohérente ;
  • établir une politique agricole conséquente : migration complète vers l'agriculture biologique, production nationale ;
  • introduire au plus vite une taxe sur les énergies non renouvelables, utilisée pour financer des projets d'énergies renouvelables (solaire thermique, pompes à chaleur, éolien, biomasse...).
  • dépasser le clivage gauche-droite ou écolo et non écolo : la fin du pétrole bon marché est l'affaire de tous ;
  • ne pas se soucier des autres pays qui ne font rien : le monde a besin de leaders, d'exemples, d'un signal fort.

Ne soyez pas découragés par l'ampleur de la tâche : chacun doit essayer de faire sa part, à son niveau, ni plus, ni moins. La fin du pétrole bon marché peut être vue comme une catastrophe, mais aussi comme une fantastique opportunité de diminuer le trafic insoutenable (bruit et pollution) et de revenir aux vraies richesses : la terre, l'agriculture, l'énergie solaire et la photosynthèse.

Pour en savoir plus

 

Pétrole apocalypse
Yves Cochet
Fayard, 275 pages, 20 ?

Présentation de l'éditeur
Les prix du pétrole flambent. Pourquoi ? Les explications courantes ne suffisent plus. Ne vivons-nous pas la fin du pétrole bon marché ? Ce problème peut bouleverser gravement nos modes de vie. Transports, agriculture, plastiques, vêtements, médicaments : le pétrole est partout. C'est pourquoi la hausse du prix des hydrocarbures ne sera pas un simple choc économique, ce sera : la fin du monde tel que nous le connaissons. Il est encore possible de repousser la date de cet événement et d'en limiter les effets par la mise en ?uvre d'une sobriété nouvelle. Cela implique d'organiser la décroissance de la consommation de matières et d'énergie, tout en sauvegardant la solidarité, la démocratie et la paix. A ce prix, la transition sera. moins douloureuse.

Biographie de l'auteur
Yves Cochet a été ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement dans le gouvernement Jospin. Docteur en mathématiques et militant écologiste depuis trente ans, il est aujourd'hui député Vert de Paris.

 

La vie après le pétrole
Jean-Luc Wingert
Autrement, 238 pages, 20 ?

Présentation de l'éditeur

Alors que les quantités mondiales de pétrole consommées sont de plus en plus importantes, celles qui sont découvertes le sont de moins en moins : actuellement, nous découvrons chaque année deux à trois fois moins de pétrole que nous en consommons. Cette tendance ne peut se prolonger indéfiniment... Et si le pétrole a déjà connu plusieurs crises, il semble que celle qui nous attend soit d'une ampleur inédite et arrive bien plus tôt que nous ne l'imaginons généralement... Comment la situation peut-elle évoluer ? Quand risquons-nous d'être confrontés à une pénurie ? Qu'est-ce que le pic de production du pétrole ? Et surtout, comment et avec quelles énergies alternatives appréhender, anticiper et vivre cet "après-pétrole" ? Voici les questions auxquelles La vie après le pétrole tente de répondre de manière didactique et accessible grâce notamment à des graphiques, des tableaux commentés et des encadrés.

Biographie de l'auteur
Jean-Luc Wingert est ingénieur conseil, spécialiste des questions énergétiques.

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Créé par Arnaud - dernière modification 22.02.2006.

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